Journal du palais, Volume 43 Par France. Cour de cassation,France. Cour royale (Paris).,France. Cours d'appel

 

COUR ROYALE DE PARIS.
(24 mai 1844.)
 

DOMAINE DE LA COURONNE, Hmistre M

LA MAISON DU ROI, PRESCRIPTION.

Le ministre de la maison du roi, chargé de la poursuite de toutes les actions judiciaires de la liste civile, avait qualité pour faire une déclaration établissant, à l'égard d'un immeuble faisant partie de la dotation de la couronne , une interruption de prescription d'une servitude susceptible d'être acquise par cette voie. Celle reconnaissante peut e'ire opposée au domaine de l'èlal, nu propriétaire de l'immeuble. C. civ. 9918; L. 8 nov. 1814(1).

Domaine De L'état
C. ClaRET De Fleurieu.
 

Le sieur Claret de Fleurieu est propriétaire d'un hôtel à Paris, sis place Vendôme. L'hôtel voisin, connu autrefois sous le nom d'hôtel du grand veneur, avait fait partie de la dotation de la couronne sous l'empire et sous la restauration.—Depuis, cet immeuble est rentré, par l'effet de la loi de 1832 sur la nouvelle liste civile, dans le domaine de l'état.

En 1841 de Fleurieu demanda là suppression de deux fenêtres pratiquées dans l'escalier de l'hôtel du grand veneur, ouvertes sur sa propriété. — Le domaine refusa d'adhérer a cette demande en se fondant sur ce que ces ouvertures n'étaient pas des jours de souffrance, mais des vues droites susceptibles d'être acquises par prescription. L'action s'étant engagée , le demandeur produisit une correspondance établie entre lui et les agents de la liste civile en 1824, de laquelle il faisait résulter l'interruption de la prescription aux termes de l'art. 2248 C. civ.

Jugement du tribunal civil de la Seine qui accueille cette prétention en ces termes:

• Le tribunal ; — Attendu que, si la servitude dont s'agit était de nature à s'acquérir par prescription , il résulte des documents du procès , et notamment des déclarations émanées de l'intendant de la liste civile, que cette prescription a été interrompue par lesdites déclarations, lesquelles ont reconnu le droit de Fleurieu;

• Attendu que le domaine de la couronne n'a pas un simple droit d'usufruit, mais bien un droit de propriété successible et transmissible, conformément aux principes constitutionnels et aux lois du royaume, et que l'intendant de la liste civile a eu droit et qualité pour engager le domaine de l'état;

• Condamne le préfet, es-noms, h supprimer les deux fenêtres dont s'agit dans la huitaine du présent jugement

Appel par le domaine.

On soutenait dans son intérêt que les déclarations du ministre de la maison du roi ne pouvaient produire les effets que le jugement leur avait attribués.

Suivant l'art. 2248 C. civ. , une reconnaissance n'interrompt une prescription commencée qu'autant qu'elle émane du propriétaire ou de celui qui possède animo domini. Or la liste civile n'est qu'usufruitière des biens qui composent sa dotation , et c'est à tort et par snite d'une erreur évidente que le jugement attaqué lui concède un droit de propriété sur ces biens.

A ce sujet l'appelant invoquait la loi du 26 mai 1791, qui a posé les premiers principes en celte matière; le sénatus-consulte du 30 janv.1810 sur la liste civile impériale; les dispositions des lois des 8 nov. 1«14 et 2 mars 1832; l'opinion des auteurs , notamment de M. le procureur général Dupin {Traité des apanages) , et de Kavard de Langlade ( Itépert., »• Liste civile). La jurisprudence a plus d'une fois consacré ces principes. (Arr. Cass. 30 juin et 10 août 1*41, cités a la note.) — Il est donc hors de contestation que la liste civile n'a qu'un simple droit d'usufruit sur les biens dont elle est composée. En conséquence, ses agents sont sans titre et sans qualité pour engager le domaine de l'état, et, dans l'espèce, les reconnaissances dont l'intimé cherche à se prévaloir ne sauraient être considérées comme interruptives d'une prescription qui se trouve depuis longtemps acquise.

 

Du 24 Haï 1844 , arrêt C. roy. Paris, 1" ch., MM. Séguier 1" prés., Godon subsL proc. gén. (concl. couf.), Pouget et Darlu av.

« LA COUR; — Considérant qu'il résulte des faits et documents de la cause que les deux fenêtres d'aspect dont Claret de Fleurieu demande la suppression n'ont été pratiquées dans l'escalier de l'hôtel situé a Paris , place Vendôme, 9, que longtemps après la construction de cet hôtel;

• Considérant que le domaine de l'état ne représente aucun titre a l'appui de la servitude de vue qu'il prétend exister en .sa faveur sur la maison appartenant à Claret de Fleurieu;

• Considérant que plusieurs lettres du ministre de la maison du roi, remontant a 1824, contiennent la reconnaissance la plus expresse du droit de Fleurieu a la suppression de ces deux fenêtres;

• Considérant que le ministre de la maison du roi, chargé par la loi du 8 nov. 181.4 de la poursuite de toutes les actions judiciaires delà liste civile, avait nécessairement qualité pour faire ces déclarations; qu'ainsi cette reconnaissance du droit de Fleurieu, faite a une époque où la liste civile était possesseur de l'immeuble dont il s'ajsil, a eu pour effet d'interrompre la prescription , aux termes de l'art. 2248 C. civ. CONFIRME • J. D.